Se déhanchant au rythme d’une musique inaudible, Camille dansait avec le balai. Enfin, passait le balai. Aujourd’hui, c’était après-midi ménage et Dei savait que cet endroit en avait besoin. La fougue de création de nouveaux goodies avait tendance à laisser un sillon de désolation et... bref, c’était un peu le bordel. Et c’était machinal, Cam avait besoin de nettoyer. C’était bien trop ancré dans ses veines pour qu’il ne tique avant d’avoir enfilé toute la panoplie et commencé à passer le chiffon un peu partout.

D’ailleurs, il venait plus ou moins de percuter et de s’arrêter avec un petit soupir. Il tapota le sol du bout du pied. Phil n’était pas là. Il s’ennuyait. Il commençait à grimacer un peu quand une idée lumineuse lui vint. Il retira l’un de ses gants avec les dents et se pencha vers son balai. Non pour inspecter une quelconque saleté, mais le caresser de façon que beaucoup qualifieraient de langoureuse. Il sautilla vers un placard et en retira « la perruque ». Une espèce de serpillère jaune poussin. Il l’enfila au balai et recommença son manège. Danseur improvisé, sa belle penchée entre ses bras.

Sourcils haussés, il se fit séducteur.

▬ Allons Phil, cesse donc d’être aussi timide…

Porte qui s’ouvre. Phil avec des pieds qui apparaît. Et avec de plus beaux cheveux, avouons-le.

Camille stoppa net ses lèvres à quelques millimètres du balai.

Spoiler:

Pardon c'est vraiment nul ;; (cette fois j'ai essayé de t'épargner l'intro inexploitable)

C'est la voix étrangement séductrice de Camille, passant à travers la porte du "salon" improvisé, qui a attiré Philemon sur le lieu du crime. À peine rentré des courses, le pauvre homme au t-shirt Dei se retrouve né à né avec son acolyte et. Singulièrement. La troisième personne à qui il tapait la causette.

Soit le balais surmonté d'une serpillère. Prêt à recevoir son premier baiser. Oh. Phil ne sait pas exactement ce qu'est en train de foutre le roux à priori bien parti pour une séance de ménage. Il ne veut pas savoir. En temps normal, il aurait juste fait un grand sourire et serait parti ranger son sac dans le frigo. Sauf que Cam sait, inutile de masquer sa perplexité trop souvent refoulée.

« Je ne vous dérange pas, j'espère ? » commente-t-il en louchant sévèrement sur la scène du baiser. D'autant plus qu'il vient de tilter que la serpillère jaune lui rappelle un air de déjà vu. Phil espère que c'est juste. Une. Coïncidence fortuite.

Sauf que c'est rarement le cas avec Camille, voilà bien le problème. Il ne peut s'empêcher de rajouter un « Ceci est peu flatteur. »

Camille releva la tête et détailla des pieds à la tête le nouveau venu, colocataire, tendre associé passionné, tellement d’adjectifs pour désigner Philemon, collègue fougueux au joli posté—cheveux. Et non, il ne faisait aucune fixette particulière sur les posté—cheveux. Et il n’avait toujours pas lâché son cher balai.

▬ En fait, si. C’est terrible si tu savais, j’allais conclure… regarde comme il n’en peut plus… le pauvre.

Il désigna d’un air dépité le balai et la serpillère qui glissait un peu. Il réajusta la coiffure de sa conquête du jour. La phrase suivante lui fit lever un sourcil et prendre un air plus ou moins outré. Cam releva le menton, arracha le foulard de ses cheveux et fixa son partenaire mains sur les hanches.

▬ Si tu coopérais aussi…

Je n’aurais pas à prendre une serpillère et je pourrais m’entrainer correctement, donc tout ça est ta faute ne me reproche pas de draguer un balai avec une coupe affreuse, sembla rajouter son œil vert brillant. Oh, Phil n’était pas devin, mais il savait.

▬ …sauf si tu as changé d’avis ?

Haussement de sourcils, quelques pas pour se rapprocher, grand sourire.
Alors, Phil ?

Camille est encore dans son trip douteux. Phil ne veut pas chercher à le comprendre et surtout pas à l'encourager dans cette voie perfide. Haussement d'épaules. Il est temps de forcer la déviation jusqu'à une conversation intelligente.

« Tu sais bien que j'ai autre chose à faire. D'autant plus que j'ai ramené... »

Il met le sac devant lui et en retire une belle dinde encore fraîchement emballée. C'est un précieux qu'il soulève avec attention jusqu'à sa hauteur. Après avoir laissé le temps à Cam de regarder la marchandise, il continue sa phrase :

« Un nouveau concept ! Au vu du succès engendré par le saucisson, j'ai su en voyant cette dinde qu'elle allait fonctionner. »

La future dinde Dei est tournée sous plusieurs angles, jusqu'à ce que son porteur pointe du doigt l'étiquette.

« Et puis, elle était en promotion, je pense qu'on peut avoir une belle marge. »

Il met le fameux concept dans les bras de Camille et se penche pour saisir les autres achats de la journée. Il les montre un par un à son acolyte.

« Pensant que cela allait te faire plaisir, j'en ai pris plusieurs. »

▬ Voyons Philou, y a-t-il un moyen plus agréable de passer le temps qu...

Une dinde. Phil avait ramené une dinde. UNE DINDE. Crue. Emballée. Et du saucisson. Enfin non, il n’avait pas acheté de saucisson, mais sa seule mention suffit à Camille pour se hérisser tel un matou en colère. Ce. Foutu. Saucisson. Oh, la dinde était en promotion. Formidable.

...la dinde était dans ses bras. Phil venait de lui coller une dinde dans les bras. Immédiatement, Cam la tint le plus loin possible de sa personne.

▬ J’ose espérer que tu ne comptes pas l’appeler « la Dinde Eve » ou son succès risque d’être discutable. Du moins, auprès d’un certain type de personnes.

Celui qu’il fallait viser. Qui devait acheter. Qui étaient dans le même camp.

▬ Ni même « Dinde Dei ».

Il lorgna les autres spécimens.

▬ Ceci est... l’un des concepts les plus ignobles qu’il m’ait été donné de voir. Et je pèse mes mots.

Il attendit que Phil repose les autres horreurs et lui fourra la première dinde dans les bras à son tour.

▬ Ose seulement essayer de me convaincre. Il va te falloir une langue très… habile.

Les plaintes de Camille ne reçoivent en guise d'explication qu'un rire à la limite du sadisme. Ah, non, bien sûr, Phil ne s'attend pas à recevoir l'approbation de son associé à chaque nouveau projet qui lui passe par la tête.

« Dinde Eve... Camille, je crois que finalement je t'aime ! Je vais la nommer comme ça. Dinde Eve. »

Il range la première dinde - qu'on vient de lui refiler, soit dit en passant - dans son sac. Avec les autres futurs produits.

« Si tu veux des arguments, sache juste qu'on ne pourra jamais tout manger et que ce serait bête de gaspiller notre précédent salaire... »

Grand sourire après avoir jeté un nouveau regard sur le sac, puis sur Camille. Il n'y a plus qu'une chose à faire, c'est se mettre au travail avant que la nourriture ne soit gâchée. Rendre cette dinde Eve splendide et attirante, quel que soit l'avis du roux.

« Ne te plains pas, tu auras enfin l'occasion de tâter de belles cuisses. À l'inverse de ton compagnon balais. »

Phil ricane. Cam plisse les yeux en retour. Ce n’est jamais bon quand il fait ça.

▬ Bien sûr que tu m’aimes. Je suis génial, réagit le roux au tac au tac avant de tilter.

Immédiatement, il ouvre la bouche pour protester, et se fait moucher par l’Argument. L’argent. Oh, le sale enfoiré. Il le savait. Que ça ne pourrait que faire mouche. Cam serre les poings. Non, ça ne va pas se passer comme ça. Et ce sourire. Foutrement brillant. Cam aurait adoré, dans d’autres circonstances. Très différentes. Mais là, c’est une affaire de business.

Et cette dernière réplique. Rrrr. Phil est en forme aujourd’hui. Enfoiré.

▬ Puis-je te rappeler à qui revient la faute, hm ?

Vague geste vers Phil, puis le ciel, de façon encore plus dédaigneuse.

▬ Et ne t’avise pas de parler de mon père ou ce n’est pas cette dinde que je vais brûler mais une partie sensible de ton anatomie. Choisit laquelle.

Cam est remonté, et ils savent tous les deux ce qui arrive quand il est remonté. Comme pour l’approuver, une mèche de sa tignasse prend soudainement feu.

▬ Débrouille toi mais moi vivant... On. Ne. Vendra. Pas. De. Dindes. Ève.